Des géopolymères aux néoVie (3/6)
Le corps du Dieu
L’apport du professeur Davidovits est aussi d’avoir réinterprété les textes et d’apporter un nouveau regard sur la manière dont les anciens faisaient la différence entre la pierre naturelle et la pierre agglomérée et comment ils considéraient cette dernière comme appartenant au domaine du sacré. Voici un extrait d’un article qu’il publia en 1986 dans le numéro 157 de « La Revue des Questions Scientifiques » et auquel je fais référence dans mon livre « La Forme et la Pierre » (Éditions. Mosaïque) :
J’ai déjà évoqué à deux reprises le texte d’Hérodote. En fait ce texte Euterpe 125 contient la clé qui m’a permis de comprendre la civilisation du Proche et Moyen-Orient antique. Euterpe 125 débute ainsi : « CXXV. Cette pyramide (Chéops) fut bâtie en forme de degrés ; quelques-uns les appellent « krossai », d’autres « bomides ». « Pour l’Égyptologie (Lauer 1974), « krossai » signifie « pierres en saillies » et « bomides » désignent des « pierres formant socles ». Il s’agit d’une grossière erreur d’interprétation toute aussi grave que celle commise en 1830 sur les vases de Pline. Comme je l’ai montré récemment (Davidovits 1984 a), « krossai » et « bomides » expriment avec précision la façon dont furent fabriquées les pierres de la pyramide de Chéops.
Le mot grec « bomides » est le pluriel de « bomos », qui signifie « autel ». Ce mot fut employé dans la traduction faite de la Bible par les Septante, à la place du mot hébreux « mitsbah » qui, aussi signifie autel (des sacrifices, de l’holocauste). Donc pour Hérodote, certains contemporains du Ve siècle av. J.-C., attribuent aux pierres de Chéops le qualificatif « bomos », c’est-à-dire que la pyramide fut construite comme un autel sacré.
Dans la Bible, l’autel en pierre des holocaustes doit être construit selon une règle draconienne. La loi de Moïse, dans le chapitre des 10 commandements, Exode 20, verset 25, exige en effet : « Si tu me construis un autel en pierre, tu ne le feras pas en pierre taillée… » Donc l’autel « mitsbah » (msb) hébreux, c’est-à-dire l’autel « bomos » (bms) grec de même racine étymologique avec déplacement de la lettre « b », ne peut pas être en pierre taillée, ni par voie de conséquence, les pierres de la pyramide de Chéops. Certains soutiennent que la pierre des autels était une pierre brute. Je pense pour ma part que si elle n’était pas taillée, elle était agglomérée. En général dans la Bible, l’action qui consiste à ériger un autel ou un monument sacré en pierre, est transcrite par le verbe hébreu « viben » qui signifie pétrifier, c’est-à-dire transformer en pierre. Ce verbe est en général interprété par : construire, bâtir, ériger, dresser en pierre, ce qui élimine le sens premier de pétrification, de transformation en pierre, d’agglomération.